Les voix du narrateur et les points de vue

I. Les voix du narrateur
À la différence de l'auteur, personne réelle qui a écrit le roman, le narrateur est la voix qui raconte l'histoire. On peut distinguer plusieurs situations de narration :

Le narrateur personnage
Soit le narrateur est le héros du récit qu'il raconte à la première personne, soit il est simple témoin des événements qu'il rapporte. Dans les deux cas, le récit est à la première personne.
 
Le narrateur héros du récit
Le roman imite dans ce cas la forme du récit autobiographique. Il peut même tenter de faire oublier son caractère de fiction.  La Vie de Marianne est un roman écrit par un homme (Marivaux) mais la narratrice affirme raconter sa propre histoire et semble vouloir convaincre le lecteur qu'il n'est pas en train de lire un roman, mais une histoire vraie.
 
Le narrateur témoin des événements
Le narrateur raconte dans un récit à la première personne l'histoire dont il a été le témoin direct ou indirect : souvent, il narre sa rencontre avec le personnage principal de l'histoire qui lui raconte son aventure et qui devient le narrateur second. On parle alors de récits enchâssés.  
Au début de Manon Lescaut, le narrateur est un simple témoin : il rapporte sa rencontre avec le chevalier des Grieux et le récit que lui raconte le héros de l’histoire. 

Le narrateur extérieur à l'histoire
Le narrateur peut correspondre à une voix indéterminée qui n'est pas celle d'un personnage ; l'histoire est racontée à la 3e personne du singulier.
Le narrateur peut intervenir dans le récit de manière plus ou moins marquée. Il donne une explication concernant la situation ou le comportement des personnages, il exprime son opinion personnelle. Le narrateur va parfois jusqu'à s'adresser au lecteur, prenant ainsi le risque de briser l'illusion de réalité que le roman cherche ordinairement à créer.
Le narrateur peut aussi chercher la neutralité et masquer autant que possible sa présence. C'est fréquemment le cas dans le roman réaliste où le narrateur reste discret.

Un cas particulier : le roman polyphonique
La narration y est assurée par des voix multiples.
Dans le roman épistolaire, l'action est racontée au moyen d'un échange de lettres entre les différents personnages. Le lecteur n'est donc pas guidé par la voix du narrateur et doit se construire sa propre opinion, même si le narrateur agence les lettres de façon suggestive.
Dans certains romans du XXe siècle, le romancier joue sur la confusion des voix. Le lecteur peut s'interroger sur l'identité du narrateur ; le récit est parfois assuré par les voix mêlées de plusieurs personnages.

2. Les points de vue ou focalisations
Dans le cas d'un récit à la 3e personne, les informations sont fournies au lecteur de différentes manières :
Le point de vue interne (ou focalisation interne)
Le lecteur est conduit par la narration à se mettre à la place d'un des personnages du récit : il voit et ressent ce que voit et ressent le personnage ; il le connaît de l'intérieur.  
Dans l'extrait de Flaubert, le narrateur rapporte les sensations et les pensées de Frédéric Moreau.

Le point de vue externe (ou focalisation externe)
Le lecteur ne connaît ni les pensées ni le passé du personnage ; il ne peut donc le connaître que de l'extérieur, c'est-à-dire par ses paroles, ses gestes et ses actes.  
Dans l'extrait de Duras, la narratrice feint de ne pas connaître le personnage qu'elle décrit. Les informations concernant la jeune fille sont dévoilées à travers le dialogue.

Le point de vue omniscient (ou focalisation zéro) 
Le narrateur délivre au lecteur des informations dont ne disposent pas les personnages. Le lecteur en sait donc plus que les personnages qui ont seulement une vision partielle du monde environnant et des faits qui s'y produisent.
Dans l'extrait de Cohen le narrateur fournit des informations sur le passé d’Ariane qui reconnaît Solal que qu’on « lui avait montré de loin, en chuchotant, à la réception brésilienne »

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